Sukkwan Island, David Vann



Aujourd’hui, je vais faire court. Ce roman a été un coup de poing dans le ventre, une grosse claque et j’écris le souffle coupé (même si plusieurs jours sont passés depuis la fin de ma lecture, oui, je suis bon en apnée et puis c’est mon blog, je fais ce que je veux).

David Vann est américain, 49 ans, né en Alaska, écrivain engagé et virtuose. Sukkwan Island est son premier roman.

Un père décide d’aller vivre pendant un an sur une île en Alaska avec son fils de 13 ans. Et je n’en dirai guerre plus.

L’écriture de David Vann est sèche, violente et magnifique. J’ai plusieurs fois pensé à Jim Harrison et Cormac McCarthy. 200 pages tendues qui m’ont laissé totalement abasourdi, sourd, ému, choqué aussi.

Moi qui aime les récits amples, obèses, bavards, me disant qu’il vaut mieux qu’il y en ait trop que pas assez, j’ai débuté ma lecture en me demandant comment en 200 pages l’auteur allait pouvoir construire un roman. Après avoir fermé le bouquin, je retourne ma veste : un petit roman peut être grand et celui-ci est immense.

J’aime la littérature américaine et les auteurs de l’ouest, ceux qui racontent la nature comme un personnage, qui peignent les grands espaces à grands coups de plume où s’entremêlent des destins tragiques, des histoires violentes et des « gueules » telles qu’on en voit dans le cinéma. David Vann excelle dans cet exercice et parallèlement, c’est un excellent miniaturiste, collant ses personnages jusque dans les tréfonds les plus noires de leurs âmes, liant le tout dans un décor grandiose, terrible et glacé.

Sorte de huit-clos des grands espaces, Sukkwan Island est un immense roman, David Vann est grand, LA lecture de ces dernières années pour moi.



« A travers la ramure des arbres, il aperçut quelques étoiles pâles, mais bien plus tard, après que le ciel se fut découvert. Il avait froid et il frissonnait, son cœur battait toujours, la peur s'était ancrée plus profond, s'était muée en une sensation de malédiction, il ne retrouverait jamais la route vers la sécurité, ne courrait jamais assez vite pour s'échapper. La forêt était horriblement bruyante, elle masquait même son propre pouls. Des branches se brisaient, chaque brindille, chaque feuille se mouvait dans la brise, des choses couraient en tous sens dans le sous-bois, des craquements bien plus lourds aussi, un peu plus loin, sans qu'il sache vraiment s'il les avait entendus ou imaginés. L'air de la forêt était épais et lourd, il se fondait dans l'obscurité comme s'ils ne faisaient qu'un et se ruait sur lui de tous côtés.


J'ai ressenti cette peur toute ma vie, pensa-t-il. C'est ce que je suis. »
Publié par Lux


1 commentaire:

  1. Un autre article sur ce livre ? Dans un registre différent, cet article est tout aussi bien écrit. Sukkwan Island fait désormais définitivement partie de ma liste "à lire". Merci !

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