La Vie devant soi, Émile Ajar, Romain Gary

C'est non pas le récit qui m'a fait commencer La Vie devant soi mais plutôt l'histoire autour de ce livre. Pour ceux qui ne savent pas Romain Gary a réussi l'impossible, à savoir remporter deux fois le prix Goncourt. Une première fois avec Les Racines du ciel en 1956 et une seconde fois avec La Vie devant soi en 1975. Il a écrit ce dernier sous le pseudonyme d'Émile Ajar, d'où le tour de force. Je me suis dit que forcément cet écrivain devait avoir quelque chose en plus et que ce roman devait être spécial.

Quel grand livre ! Je vais essayer de ne pas trop en faire pour que vous ayez encore envie de le lire.

Je l'ai lu en moins de 48 heures, j'étais dans cet univers parisien où vit Momo, enfant abandonné par sa mère prostituée et confié à Mme Rosa, ancienne prostituée elle-même, qui s'est recyclé en nourrice. Le récit, qui se déroule sur plusieurs années, nous immerge dans leur quotidien et fait évoluer ces personnages au gré du temps.

L'écriture fait presque tout. Elle est drôle, imagée et évocatrice. À chaque page j'ai relevé des mots ou des phrases qui tantôt me faisaient rire, tantôt me laissaient pensive, pleine d'admiration. Il faudrait lire ce roman à haute voix pour s'imprégner davantage de cette plume si singulière.

Les personnages sont extrêmement touchants et pleins de vie malgré leurs conditions plus que difficiles. À travers les yeux de Momo, le récit balaie pas mal de questions tabous comme le racisme, la religion ou l'euthanasie. Ce qui fait la force de ce roman c'est justement que c’est un enfant qui n’a pas reçu d'éducation qui traite ces sujets. C'est donc plein de bons sens, jamais dans le pathos et toujours drôle.


J'ai trouvé ce livre brillant et j'ai hâte de le relire pour apprécier davantage toutes ses subtilités.

 Publié par Coraline

Toute la lumière que nous ne pouvons voir, Anthony Doerr

Toute la lumière que nous ne pouvons voir a été écrit en 2014 par Anthony Doerr, écrivain américain, et lui valut le prix Pulitzer 2015. L'histoire se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale et présente le destin de deux héros, Marie-Laure, jeune fille aveugle, et Werner, jeune homme orphelin. La première est française et incarne le camp de la résistance alors que le second est allemand et employé par la Werhmarcht.

Dans une vision d’ensemble j’ai trouvé l'écriture soignée, travaillée, et les personnages ont une réelle profondeur. C'est une fresque bien menée grâce à une ambiance parfaitement retranscrite. Mais, et il y a un mais…

Ce qui m’a amenée à lire ce livre c’est le titre, évocateur de liberté, de beauté et d'espoir. J’espérais que ces deux personnages vivent des aventures, certes pas faciles, mais salvatrices. Je m'attendais à ressentir des émotions grandes et belles malgré le contexte, je rêvais de lire un livre où la guerre ce n'est pas qu’horrible (bien que ce soit malheureusement le cas) mais parfois dans le malheur nous pouvons trouver une lueur d'espoir, la lumière que nous ne pouvons voir.


Je n'ai pas trouvé ce que j'aurai aimé ressentir et pendant toute ma lecture j'étais dans l’attente que quelque chose arrive. Je me suis pour la plupart du temps ennuyée. Je ne dis pas que ce livre est mauvais, loin de là, seulement j'ai été déçu j'attendais des fulgurances et je ne les ai pas lues.


  Publié par Coraline

Watership Down, Richard Adams

Si vous aimez le civet de lapin, arrêtez votre lecture tout de suite, ce qui va suivre pourrait vous en dégoûter à jamais !
Car nous allons parler de lapins, oui, mais pas dans nos assiettes. Ici, il sera question d’aventure, de bravoure, d’amitié. Alors, alléchés ?

Watership Down est un vieux bouquin, publié en 1972 et paru en France sous le titre Les Garennes de Watership Down par Flammarion en 1976. En septembre 2016, Monsieur Toussaint Louverture dont on ne saluera jamais assez le travail, a eu la bonne idée de republier ce classique vendu à plus de 50 millions d’exemplaires dans le monde, rien que ça.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, un mot sur l’objet en lui-même qui est magnifique, tout est soigné, de la couverture au papier.

Nous suivons donc des lapins, vivant comme des lapins dans leur garenne. Oui, sauf que l’un d’eux, Fyveer a des visions et prédit qu’il faut absolument quitter l’endroit où ils vivent car un grand malheur va s’abattre sur eux. Son frère Hazel lui fait confiance et c’est ainsi, accompagnés par d’autres lapins de la garenne que débute notre aventure. C’est un véritable voyage épique qui attend nos compagnons qui vont vivre mille péripéties et devront affronter de biens grands dangers pour survivre.

J’entends déjà les sceptiques se gloser : un livre de fantasy ? Avec des lapins ? C’est un conte pour les enfants ?

La réponse est non ! Même si Richard Adams a imaginé cette histoire pour la raconter à ses enfants (tiens, ça me rappelle un autre grand nom de l’imaginaire…), l’auteur adopte un ton résolument adulte voire sombre à certains passages.

La grande force du récit, c’est qu’à aucun moment, Richard Adams ne cède à l’anthropomorphisme qui nous ferait oublier que nos héros sont des lapins. Comportement, langage, culture, systèmes sociaux, mythologie, tout est imaginé à hauteur de nos petits lagomorphes, ce qui rend l’ensemble crédible et passionnant.

On sent l’amour de l’auteur pour la nature et toute la vie que nous ne remarquons pas toujours. Les descriptions de cette campagne anglaise sont très réussies, la pluie, le vent, la lumière, on y est.


L’ensemble donne une aventure singulière, épique portée par des personnages attachants et une plume envoûtante. J’ai adoré. Un classique.


Publié par Lux

Sukkwan Island, David Vann

Jim, père de deux enfants, divorcé de leur mère et séparé de sa deuxième compagne, décide d'emmener son fils Roy, 13 ans, sur une île déserte au sud de l'Alaska. Ils vont apprendre à survivre dans des conditions de vie très difficiles et surtout apprendre à vivre ensemble et à se connaître jusqu’à ce qu'un drame vienne tout changer (ou tout révéler).

Je ne peux pas dire que j'ai adoré ce livre, non pas à cause de l’écriture, bien au contraire. Mais tout simplement parce que je ne veux pas me l’avouer. Sukkwan Island fait partie des livres que je n’aime pas aimer. Pourquoi ? Parce que c’est une histoire horrible, noire, triste, dure et extrêmement glauque. Et pourtant…

Ce que j'aime particulièrement dans ce roman c'est la gestion des paradoxes et des contrastes, qui illustre la complexité des comportements humains. C’est extrêmement réaliste et intelligent.

Jim est en manque d'affection, d’amour et pour apaiser ce vide il décide de partir sur une île déserte. Il croit combler la solitude par davantage d'absence. Il cherche aussi à se rapprocher de son fils en l'emmenant avec lui, sans ne jamais vouloir entendre que c'est contre sa volonté. Jim pense découvrir Roy en niant ses désirs et ses avis. On comprend bien vite que cette absence de lucidité lui coûte cher.

Le génie de David Vann, est selon moi d'avoir mis en lumière ces paradoxes sans jamais les évoquer explicitement. Plus on avance dans le livre plus on comprend que Jim se bat contre lui-même, contre ses peurs et tant qu'il ne voudra pas ouvrir les yeux il sombrera. Pour moi, c'est très révélateur de notre fonctionnement : on attire consciemment ou non ce que précisément nous voulons fuir tout en croyant que c'est ce qui va être salvateur.

Il me semble aussi que Sukkwan Island évoque cette fausse croyance qu'en partant, en s'éloignant de nos problèmes, ils vont disparaître. Jim part pour fuir sa réalité et comme si elle n'avait pas aimé cette trahison elle le rattrape plus violemment encore.

Enfin, ce que je trouve brillant dans ce roman c'est l’exact opposé de la beauté et la grandeur des paysages face à l'atmosphère pressurisant des relations entre Jim et Roy.  David Vann a réussi à rendre l'air irrespirable dans un immense et sublime espace.

Publié par Coraline

La Traversée, Philippe Labro


Philippe Labro, né à Montauban le 27 août 1936, est un journaliste français, écrivain, réalisateur, homme de télévision et auteur de chansons. Grand reporter pour Franc-Soir, reporter militaire pendant la guerre d’Algérie, c’est un homme prêt à couvrir les grands évènements comme l’assassinat de J.F.K. C’est un homme qui aime témoigner que ce soit par la plume, la radio, la télé ou le grand écran. Il se veut témoin de son temps. Aussi, en 1996, il publiera un roman, La Traversée, né de son expérience de « mort imminente » qu’il connut suite à un double problème : un œdème du larynx lié à une pneumopathie foudroyante.

Philippe Labro, avec les mots simples d’un reporter de terrain, nous fait vivre, en 297 pages, le combat qui fut le sien, durant dix jours, au cœur du service de réanimation de l’hôpital Cochin, à la suite de comas. Il lui faudra six semaines d’hospitalisation avant de revenir progressivement, enfin, à la vie, auprès des siens, qui le laisse en 1994 six semaines à l’hôpital Cochin dont dix jours dans le service de réanimation à la suite de comas.

Durant dix jours pendant lesquels il vécut (mais est-ce le mot approprié ?) l’expérience de la mort imminente (EMI). Dix jours d’isolation totale dans un autre monde, bardé de tuyaux, sanglé sur son lit autour duquel un monde s’agite ; ces soignantes qu’il reconnait, qu’il identifie et auxquelles il porte une réelle affection, « les infirmières de la réanimation sont devenues les femmes les plus importantes de [mon] existence. ». Il passera par toutes les phases reconnues : le combat de chaque instant scandé par deux voix intérieures qui le hantent : la voix de la tentation de la mort et la voix de la lutte pour la vie. Il retrouvera sous ses yeux la totalité des êtres qu’il a aimés, ces entités spirituelles qui lui rendent visite et qui tentent de lui faire accepter de les « rejoindre ». Et puis, il y a la mort, cette mort qu’il veut combattre, mais, avec quelles armes. Il y a les poèmes qu’il se récite, le rire intérieur : « Rigole, ricane-lui au nez. Tu vas t’en tirer. » Il y a encore les insultes qui lui procure un semblant de vigueur. L’emploi des mots grossiers le stimule et, surtout, empêche le retour de la voix de la mort. Et puis, il y a la décorporation qu’il nous fait vivre en devenant une caméra qui travaille en « plongée ». Reporter de la vie, il ne pourra échapper à une derrière plongée dans le tunnel mais un tunnel qui n’a plus rien d’effrayant. Au contraire, il devient de plus en plus lumineux. Plus de souffrance mais une sensation de paix inconnue et d’amour indéfinissable. Des formes informes, des contours, des lignes dessinées.

Tout cela reste vivant, comme un reportage, un travail d’investigation que Philippe Labro connait bien. Nous ne baignons pas dans la spiritualité. Nous vivons avec lui cet appel mortifère, nous tombons avec lui dans le trou noir. Seul le besoin d’amour stoppera sa chute. Six jours de douleurs avant le retour victorieux, avec des images plein la tête et un livre à venir qui marquera nos esprits. Pour ma part, je ne saurais l’oublier.

Un livre riche en informations, en espérance et que l’on ne peut que lire dans la foulée.

 Publié par Jacques

Trois mille chevaux vapeur, Antonin Varenne

Birmanie 1852. Londres 1858. L’Ouest américain à la veille de la Guerre Civile. Le tout en 700 pages épiques d’Antonin Varenne.

Venu du polar, l’auteur de 44 ans a réussi un coup de maître : un grand livre d’aventure au souffle incontestable.

Tout commence en 1852 en Birmanie, nous suivons Arthur Bowman sergent de la Compagnie des Indes. Choisi pour sa poigne et son sens du devoir, il doit composer une équipe pour une expédition secrète. Je ne vais pas trop en dévoiler pour ne pas déflorer votre plaisir de découvrir le destin de notre personnage, sachez que l’expédition va mal tourner et que vont s’en suivre deux années de tortures qui laisseront le sergent Bowman pour le moins traumatisé.

Lorsque des années plus tard à Londres, une série de meurtres dont les victimes semblent avoir subi les mêmes sévices que celles endurées dans la jungle birmane, Arthur Bowman décide de retrouver le coupable.

Ce roman rappelle par bien des aspects la littérature populaire du XIXème siècle, celle des Dickens et des Dumas, par son ambition et son souffle. Nous voyageons sur trois continents, nous battons dans l’étouffante jungle birmane,  explorons les bas-fonds de Londres durant la Grande Peste de 1858, galopons dans les grandes plaines américaines...
Le style de Varenne est sobre, il sait intelligemment s’effacer pour laisser son récit nous emporter.

Le personnage principal, Arthur Bowman, est une grande réussite. Taciturne, brisé, touchant, il est profondément humain et on fait corps 700 pages durant avec ce qu’il vit. Le récit est violent à bien des égards, le héros est marqué par chaque évènement comme un écho infini à ces deux années de torture dont son corps portera toujours les stigmates. Le destin n’a de cesse de le ramener à ce qui s’est passé en Birmanie, et au fond, Bowman cherchera une forme de rédemption.

Il y a du suspens puisqu’il s’agit de retrouver un meurtrier mais là n’est pas selon moi l’attrait principal du roman. Le chemin est bien plus important que l’atteinte du but, tant au sens littéral au vu des voyages proposés par l’auteur, qu’au sens métaphorique de la transformation psychologique qui attend notre héros.


Je vous encourage vivement à embarquer pour ce voyage, je vous garantis le dépaysement, d’autant que le grand roman d’aventure est plutôt rare de nos jours, alors foncez.


Publié par Lux

Harry Potter, J. K. Rowling


J'ai eu envie de lire la saga d'Harry Potter dix ans après la sortie du dernier tome. J'avais vu les huit films mais la lecture ne me disait rien, d'une part parce que je croyais ne pas aimer la fantasy, d'autre part parce que par principe je n'aime pas aimer ce que tout le monde aime.

Et bien, Harry Potter a réussi à mettre à mal ces deux convictions !

La publication des sept livres s'étale sur dix ans. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas cette saga (si ça existe…), c'est l'histoire d’un enfant, orphelin, qui découvre le jour de son onzième anniversaire qu'il est un sorcier. Son éducation va donc se faire dorénavant à Poudlard, école mythique de sorcellerie, où il va vivre en compagnie de ses amis et ennemis. Mais Harry Potter n'est pas un élève comme les autres, il devra affronter des épreuves et faire face à la magie noire et au mal incarné par « celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom ».

Ce qui est fantastique dans ces livres c'est l'ambiance de Poudlard. C'est un cocon douillet et chaleureux, qui malgré les péripéties reste l'endroit sécure où nous avons tous envie d'être. J. K. Rowling a réussi à donner vie à cet endroit, à ses recoins, et lire les passages où les personnages y sont m'a fait l'effet d'un tranquillisant. Je me sentais bien, rassurée et en sécurité.

Les personnages sont aussi très travaillés, bien que l'intrigue générale oppose le bien et le mal, eux, sont en nuances. Chacun a ses petites failles et son caractère bien trempé ce qui m'a fait aimer d'autant plus Dumbledore, Hermione, Sirius et bien sûr Rogue !

Le monde magique qu'elle a créé est aussi merveilleux. J'avais peur en lisant de la fantasy que tout soit fantasque et que la magie soit un prétexte pour expliquer des évènements qui, sans elle, ne pourraient pas avoir de fondement. J'avais tort, en tout cas concernant HP. J’ai trouvé que la magie était un élément supplémentaire de décor, elle rajoute de la consistance à l'histoire mais n'appauvrit jamais le sens. Il y a le propre langage magique qui est très fin, porte à sourire et qui surtout nous ouvre les portes de ce monde et nous donne la sensation d'y appartenir.

Les histoires sont toutes bien ficelées, je ne me suis jamais ennuyée grâce à des intrigues intelligentes et retorses. Mon seul bémol est l'écriture des deux premiers tomes qui est simpliste et enfantine, mais je ne peux m'en prendre qu’à moi-même, j'avais qu'à commencer comme tout le monde y a 10 ans…

Bref, je n'aimais pas (ou croyais ne pas aimer) la fantasy et grâce à Harry Potter mon champ des possibles s’est élargi. Je croyais être unique en ne me laissant pas avoir par la mode et au final je suis comme tout le monde (ou presque) et je le revendique : j'aime Harry Potter.

 Publié par Coraline