Certains auteurs sont ce que j’appelle des « chirurgiens de l’âme ». Une plume précise, parfois acerbe qui dépeint et dévoile des personnages dans toute leur vérité, névroses comprises. Colum McCann fait tout l’inverse. C’est une plongée en apnée, rapide et déchirante dans la vie de laissés pour compte, d’oubliés à l’humanité souvent bouleversante. Un coup de poing dans la glace.
Colum McCann est un auteur irlandais de 49 ans (50 ans
à la fin du mois !) né à Dublin et parti découvrir les Etats-Unis à 21
ans, un diplôme de journalisme en poche. Auteur de romans et de recueils de nouvelles, il
enseigne la « créative writing » à New-York.
« Lever les yeux et voir que le fond du trou ; baisser les yeux et voir que du ciel. J'ai jamais rien entendu de plus chouette, qu'on le prenne comme on on voudra. »
Publié en 1998, Les Saisons de la nuit c’est le
portrait d’une famille d’ouvriers américains et de leurs destins souvent
tumultueux du début du XXème siècle à nos jours. En nous contant les
vies de terrassiers qui construisent le tunnel de la ligne Brooklyn-Manhattan jusqu’à
ceux travaillant sur les poutrelles d’acier des gratte-ciels, Colum McCann
écrit un véritable hymne d’amour à New-York et ses splendeurs.
Mais plus encore que les merveilles architecturales, l’auteur
irlandais rend hommage à ceux qui ont bâti cette ville et y ont consacré leur
vie, au point de vivre au plus profond de celle-ci. C’est donc avant tout un
roman urbain, qui se concentre sur le rapport entre l’intimité des individus et
l’anonymat de la grande ville, entre le surgissement d’une mégapole et les
destins broyés, entre le lien de la famille et l’isolement le plus total…
« Parfois, des couples s'injurient en se penchant aux fenêtres. Tout un paysage d'amour et de haine. Une brutalité sensible dans l'atmosphère. De la tendresse aussi, pourtant. Il y a là quelque chose de si vivant que le cœur de la ville semble près d'éclater de toute la douleur qui y est accumulée. Comme s'il allait soudain exploser sous le poids de la vie. Comme si la ville elle-même avait engendré toutes les complexités du cœur humain. Des veines et ds artères - semblables aux tunnels de son grand-père - bouillonnantes de sang. Des millions d'hommes et de femmes irriguant de ce sans les rues de la cité. »
De ces paradoxes surgissent une beauté rude et
lumineuse. Avec une finesse narrative remarquable, Colum McCann tisse son récit
et entremêle les éléments en sculptant des personnages d’un réalisme saisissant.
L’écrivain irlandais a le talent de dégager une puissance incroyable avec
seulement quelques mots. Il se dégage de ce texte une poésie tout en nuances d’ombre
et de lumière.
« La souffrance est sa compagne. Si elle l'abandonnait, il serait bien surpris, il se sentirait même seul. Elle s'est installée avec luis depuis tant d'années, imposant un ordre nécessaire aux heures, à la routine, au spectacle de la rue. »
En 321 pages, Colum McCann réalise une fresque très
ambitieuse et, disons-le, c’est une réussite. Crédible, émouvante, bouleversante,
la plume de l’auteur irlandais sublime son sujet par un style d’une violence et
d’une poésie rare. L’intelligence narrative de l’écrivain embrasse parfaitement
la grande humanité de son récit.
A mon sens, Les Saisons de la nuit est un grand roman
et je lirai d’autres œuvres de Monsieur McCann.
Publié
par Lux
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